médiation en agriculture

Médiation en agriculture : entreprise, famille, voisins

Dans le domaine de l’agriculture, des conflits peuvent émerger et entacher les relations sociales entre entreprises. Ils peuvent aussi toucher une famille ou encore des voisins. La médiation peut alors être un outil efficace pour pallier ces difficultés. Claire Bouteloup, médiatrice chez NotreAccord nous partage son expérience sur la médiation dans le domaine agricole.

 

Le risque des conflits en agriculture

 

Si vous êtes exploitant agricole – ou agriculteur, ou paysan, selon la manière dont vous souhaitez être dénommé, identifié, reconnu et selon la manière dont les autres vous considèrent – vous pouvez être confronté à différentes situations conflictuelles.

Ainsi, de la même manière que toute autre entreprise, votre exploitation agricole peut vivre un conflit entre associés (entre vous et votre associé, par exemple), entre dirigeant et salarié(s), avec une autre exploitation agricole (concurrence sur du foncier par exemple), ou encore avec l’Administration.

Comme tout acteur ancré sur un territoire, vous pouvez également vivre un conflit de voisinage : avec un habitant, une installation industrielle ou agricole.

À celà s’ajoute une dimension familiale : de la même manière que certaines entreprises familiales, une exploitation agricole est souvent le fruit d’une transmission sur plusieurs générations. Lorsque les « anciens » ne restent pas actifs sur la ferme, pour aider à la traite par exemple, ils continuent régulièrement à habiter à côté et à regarder attentivement l’activité de la ferme et des « jeunes » exploitants.

Pour vous, qui avez repris l’exploitation, vous héritez de l’entreprise. Vous héritez aussi d’un ensemble entremêlé de valeurs, enjeux économiques, craintes, pratiques techniques.

La médiation en agriculture

NotreAccord propose des services de médiation entre les entreprises, mais aussi pour les particuliers.

Les conflits dans le domaine de l’agriculture peuvent être nombreux. Qu’ils soient entre des membres de la même famille, au sein du voisinage ou avec une entreprise, il est important de les gérer. C’est tout l’objectif de la médiation qui permet de prévenir et gérer les conflits sans passer par les tribunaux.

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Des conflits intergénérationnels complexifiant les relations familiales

 

Le regard des « anciens », parfois critiques, vous donne le sentiment d’être jugé et vous ressentez une forme de pression à « faire comme on a toujours fait ». Vous vous retrouvez également porteur, malgré vous sans doute, de récits familiaux et d’histoires conflictuelles intergénérationnelles, sans pour autant en connaître complètement les tenants et aboutissants.

Par ailleurs, vous agissez dans un contexte économique et administratif particulier : le Droit qui encadre vos activités et vos relations est spécifique (nous en verrons un exemple ci-après). En outre, vous n’êtes probablement pas propriétaire de tous vos moyens de production (terres, bâtiments).

 

Tout ceci noue un ensemble riche, complexe et difficile lors de moments particuliers que sont la transmission de la ferme, le décès des ascendants et l’organisation de la succession, difficultés économiques ou relationnelles sur la ferme, accident, etc.

 

Par exemple, Sylvie et Damien sont deux jeunes agriculteurs montagnards, à 30 minutes de voiture l’un de l’autre. Sylvie est en cours d’installation en bovin viande. Elle reprend l’exploitation de son père, qui prend sa retraite. Sur la trentaine d’hectares, un tiers appartient à l’exploitant. Un tiers est loué à un propriétaire foncier, qui est l’oncle de Damien. L’oncle et le père se sont bien entendus pendant des années, dans le cadre d’une relation sereine entre propriétaire et exploitant incluant des services tels que la coupe de bois, etc. L’oncle et la tante n’ont pas eu d’enfants, et considèrent Damien comme leur fils. Lorsque le père annonce sa retraite, l’oncle cherche à reprendre les parcelles et effectue une donation à son neveu, Damien.

Damien est installé depuis 10 ans, sur une ferme viable d’une centaine d’hectares et d’une centaine de vaches laitières. Pour lui, ces parcelles supplémentaires représentent un complément intéressant à plusieurs titres : cette surface supplémentaire est éligible aux subventions, permet de produire du foin utile à son cheptel, et représente une forme de sécurité face aux aléas car elle se situe dans une zone au climat différent. Cette donation est une belle occasion, pour Damien, de consolider son exploitation. C’est aussi l’opportunité de faciliter l’installation de son fils dans une dizaine d’années. Celui-ci a douze ans aujourd’hui, et ne sait pas ce qu’il souhaite devenir, mais pour les parents, il ne faudrait pas fermer de porte à son avenir en tant qu’agriculteur.

Pourtant, dans la mesure où les démarches administratives ont été conduites conformément, Sylvie est considérée par l’Etat comme exploitant prioritaire. Les parcelles sont à quelques centaines de mètres de son siège d’exploitation, alors que l’exploitation de Damien est à plus de 30km. Elle s’installe, alors que Damien agrandit son exploitation.

Pour Damien, il est incompréhensible et injuste d’être propriétaire et qu’il lui soit interdit d’exploiter ses propres terres. Pour Sylvie, c’est une des règles de l’agriculture, connues de tous, qui visent à protéger les exploitants (devant les propriétaires) et dont Damien bénéficie par ailleurs en tant que fermier lui aussi sur une partie de son exploitation.

Par ailleurs, pour Sylvie, il s’agit d’un projet professionnel et familial. Elle a grandi sur la ferme, aime profondément le métier. Avec son mari et deux jeunes enfants à charge, elle « joue » là son avenir, à travers l’abandon de son métier actuel pour tenter de vivre de l’agriculture. L’oncle de Damien, en revanche, considère que Sylvie n’y connaît rien, n’a jamais « mis ses fesses sur un tracteur » – il le sait bien car il habite à côté de la ferme et « voit bien ce qui se passe » – et n’a à ce titre aucun droit à reprendre la ferme. Il s’agirait d’un stratagème, pour permettre à son mari d’exploiter les parcelles et pour nuire à lui-même et à Damien.

 

Comment ces deux jeunes, ayant fondé une famille et essayant tant bien que mal de vivre de leur métier, vont-ils parvenir à s’entendre, malgré le père, l’oncle, et les zones d’ombre autour de ces histoires, et malgré le voisinage qui restera, entre Sylvie et l’oncle de Damien ?

Sur combien de générations vont-il raisonner ? Quels sont les besoins de chacun, au-delà des incidences économiques immédiates ? Qui faut-il entendre, dans le cadre de cette médiation ? qui faut-il inviter autour de la table de la rencontre plénière ?

 

Des conflits entre fratrie naissants de l’exploitation familiale

 

Au-delà de la dimension intergénérationnelle, il arrive également que la fratrie ait éclaté à propos de la reprise de l’exploitation familiale. La ferme n’est plus seulement une entreprise, mais aussi un bien et un patrimoine familial, sur lequel les autres membres de la fratrie considèrent avoir un « droit de regard ». Et ce regard entremêle regard du frère aîné, regard du membre en indivision, regard de la personne qui a grandi sur une ferme et « s’y connaît tout autant »…

Autre dimension présente fréquemment dans le domaine agricole : une éducation et une culture familiale ancrées dans le silence, les « non-dits », l’implicite. Pour des « taiseux », le silence est lourd de significations, et notamment de jugements, reproches et évidences. L’expression des ressentis est difficile, inhabituelle, voire intrusive, inconfortable et inconvenante. Lorsque le médiateur invite chacun à exprimer ses ressentis et ses besoins, il n’est pas loin de tenter de violer l’intimité de la personne, de la forcer à « se rendre vulnérable ».

 

Par exemple, dans le cas de cette ferme montagnarde, le frère aîné a renoncé à reprendre l’exploitation à la suite du père, en partie par choix, en partie suite à une forme de renonciation : alors que, lui, a validé des études supérieures, le cadet est en difficulté scolaire et indécis quant à ses projets. La reprise de la ferme par le cadet apparaît comme la situation la plus probable et opportune.

Le cadet reprend l’exploitation, pour que « la ferme reste dans la famille » et faute d’un autre volontaire, mais se retrouve 20 ans plus tard en difficulté financière et psychologique. L’aîné regrette son choix et surtout la gestion de la ferme par son frère, qu’il juge catastrophique. La sœur n’a pas été sollicitée par le père pour reprendre, et souffre à la fois de voir son frère cadet malheureux, de voir son frère aîné déçu et énervé, et de voir la ferme « mourir peu à peu ».

A l’heure de la succession, les sujets concernent bien sûr la relation de chacun aux parents, les besoins et projets économiques de chaque frère et sœur, mais aussi le respect du patrimoine familial et des choses construites à la force des bras par plusieurs générations auparavant, et des dettes de l’exploitant envers ce patrimoine.

Pourquoi l’agriculteur ne paie-t-il pas de loyer à ses frère et sœur ? « Et, d’ailleurs, l’a-t-il jamais fait auparavant, lorsque sa mère était vivante ? Elle l’a toujours protégé, de toute façon. Mais aujourd’hui, alors qu’il a détérioré la ferme et le matériel, il doit payer ses dettes ».

Par ailleurs, l’agriculteur ne veut plus continuer, trop dur, trop lourd, trop de mauvais souvenirs et de conséquences familiales. Il a vu son père mourir sous ses yeux, alors que les frère et sœur étaient loin. Eux ne comprennent pas, mais lui… Aujourd’hui, il demande à avoir sa part uniquement en terres, sans bâtiment, il essaiera de continuer à bénéficier des subventions. Son frère, lui, souhaiterait monter un projet alliant exploitation agricole et tourisme sur une partie des surfaces : il aime cette ferme et ce métier, souhaite se lancer dans une nouvelle aventure professionnelle et considère la ferme comme une ressource à valoriser. Il reproche au cadet l’état dans lequel est la ferme aujourd’hui. Il lui reproche aussi le silence : cela fait maintenant plusieurs années qu’il souhaite avancer sur ce sujet et que le cadet fuit toute discussion ou retire le lendemain tout engagement qu’il a pu prendre la veille avec son frère. Leur sœur tente tant bien que mal de s’écarteler entre les deux frères, en pleure de tristesse sur cette situation, de rage et d’impuissance à renouer la fratrie, et d’inquiétude pour l’état mental du cadet.

 

Comment la fratrie va-t-elle réussir à répartir les biens de la ferme, de sorte à répondre aux besoins de chacun ? Comment va-t-elle se renouer ou se séparer ?

 

La médiation : un outil efficace pour pallier ces difficultés relationnelles

 

Dans ce contexte de relations et enjeux entremêlés, la médiation est à même d’accompagner les personnes au plus ajusté à leurs besoins. En effet, la médiation permet aux parties de renouer la communication entre elles à travers l’écoute et le dialogue, afin de trouver par elles-mêmes des solutions mutuellement acceptables.

Si la demande concerne la succession ou la relation à l’associé, les autres dimensions seront sans doute convoquées dans les échanges et ces échanges seront peut-être incontournables pour que les personnes dépassent ensemble la situation conflictuelle.

Pour autant, la médiation en agriculture est particulièrement complexe et nécessite, de la part du médiateur, un certain nombre de précautions, capacités et humilité. Dans ce contexte tout particulièrement, je recommanderais des co-médiations, si possible en binôme mixte en terme de genre ; des compétences en termes de systémie ; ainsi que des analyses de la pratique qui allient des regards pluriels entre entreprise, voisinage et familial.

 

Aujourd’hui, dans certaines régions de France, des professionnels de l’agriculture réalisent des médiations. Au-delà de ce monde professionnel, un réseau de médiateurs serait-il à construire spécifiquement aux échelles régionale et nationale, de même que des formations continues dédiées ?

 

Claire Bouteloup Médiatrice et animatrice de concertation, Agronome et sociologue en gestion de l’environnement



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